I have died everyday waiting for you. [r.]

Darling, don't be afraid. I have loved you for a thousand years.
I'll love you for a thousand more.

« Vous êtes pas sérieux ? Vous prenez tous congé le même soir ? Vous vous payez ma tête ? » Jamie fixait ses trois associés d’un air éberlué. Mais qu’avait-il fait pour mériter de tels partenaires ? Bien sûr, il occultait sa propre flemmardise légendaire de certains soirs et préférait se concentrer sur la leur pour l’instant. Les trois comparses riaient sans honte, se moquant de lui. « T’es pas seul. Y a une ribambelle de serveuses sexys pour te tenir compagnie ! » Jamie darda son regard dans celui de Blake, prêt à répliquer, avant de réaliser qu’il avait brandi l’argument ultime et que tout débat devenait inutile. Il se contenta donc de lui jeter son torchon à la figure en riant. « Hors de ma vue ! Allez donc profiter de votre soirée de libre sans moi, traîtres ! » Il les regarda quitter les lieux, les connaissant assez bien pour savoir qu’ils viendraient boire un verre plus tard et retourna à son service. Il était propriétaire des lieux, et en cela il n’avait pas obligation de jouer les tenanciers de bar, mais il en avait envie. Se concentrer sur son travail lui permettait de ne pas trop penser, de se vider l’esprit.

« Une autre tournée Chef ! » Le jeune homme coula un regard vers le blond qui lui faisait signe de la main. Lui aussi avait envie de boire. Mais il se modérait. Il ne pouvait plus se permettre de boire pour oublier, boire pour panser ses plaies, ce n’était plus lui. Pourtant, certains soirs comme celui-ci il aurait voulu se saisir d’une bouteille, rouler vers un endroit désert et vider d’une traite son contenu pour que les voix qui raisonnaient dans sa tête se taisent enfin. Il ne voulait plus penser à elle, c’était tellement douloureux. Douloureux et délicieux à la fois, c’était tout le paradoxe du souvenir qu’elle avait laissé derrière elle. Et il ne parlait pas d’Alice… Oh non, Alice, il avait enfin réussi à en faire son deuil, la laissant reposer en paix après des années passées à se battre contre son fantôme. Celle qui hantait désormais ses nuits avait un tout autre nom, et un tout autre visage. « Emma ! » Jamie se crispa en se retournant violement. Il vit une des serveuses quitter le comptoir pour aller serrer une brunette dans ses bras. Et pas n’importe quelle brunette. Le verre que tenait le barman dans ses mains vint se briser sur le sol alors que son regard croisait celui de sa meilleure amie. Que faisait-elle là ? Il n’était pas prêt. Pas prêt à la voir, pas prêt à lui parler. Comme paralysé il la fixait sans esquisser le moindre geste vers la jeune femme, la bouche entrouverte par le choc qu’il venait de recevoir de plein fouet. Les retrouvailles étaient inévitables. Il s’était bien assez longtemps menti, mais Cleveland n’était pas une si grande ville, ils auraient fini par se croiser, tôt ou tard. Jamie avait espéré que ce soit tard. Emma semblait en avoir décidé autrement…

Cela faisait deux mois qu'Emma était revenue miraculeusement accompagnée de ces autres disparus. Deux long mois de folie entre cette mystérieuse apparition, la découvert de son don et le fait de reprendre le cours de sa vie deux ans après sa disparition avec le sentiment de n'avoir jamais quitté ses lieux. Le sentiment d'avoir perdu une partie de sa vie était horrible à supporter. L'un de ses frères s'était marié, sa mère était atteinte d'un cancer, ses amis avaient tout simplement continué leurs vies. Elle se sentait maintenant étrangère à eux, ils avaient tous évolué au contraire d'elle. Mais cela faisait surtout deux mois que Jamie n'avait daigné venir la voir. Pour elle cela ne faisait que quelques semaines qu'ils s'étaient quittés brutalement, mais pour lui cela faisait plus de deux longues années qu'elle avait quitté sa vie, qu'elle s'était volatilisée. N'était il donc pas un peu curieux de savoir ce qui lui était arrivée ? De savoir si elle allait bien ? Puis merde quoi, ça la rendait hystérique qu'il ne soit toujours pas venu la voir. Si ce n'était pas lui qui viendrait à elle, alors c'est elle qui franchira le pas. Elle avait appris par des amis qu'il était propriétaire du Teapot Gold, et c'était donc à cet endroit qu'elle décida de se rendre pour lui faire face.

Pendant de longues heures elle s'était préparée à quoi lui dire, seulement au final elle n'aboutissait pas vraiment à quelque de concluant. Elle se demandait si finalement il était bien de forcer le destin, de forcer cette rencontre. Après tout, il avait été clair sur le fait qu'il ne voulait plus la revoir, tout comme elle d'ailleurs, même si c'était loin d'être le cas. Il avait été très dur envers elle cette nuit-là, pourtant elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui et de désirer le revoir. Arrivée devant le bar en question, elle eut un dernier moment d'hésitation avant d'y rentrer d'un pas déterminé. En cette soirée de novembre, le bar était plein, les gens se bousculaient pour se frayer un passage dans cette foule. Emma en fit de même pour se rendre au comptoir, il devait certainement s'y trouver. « Emma ! » Une des serveuses, une ancienne amie à elle, vint l'enlacer heureuse de la revoir. Elle lui sourit gentiment, et avant même qu'elle lui demande où elle pourrait trouver Jamie, elle croisa le regard de ce dernier. Une vague de panique la traversa, le moment fatidique était arrivé. Elle contourna la serveuse et pris siège au comptoir face à Jamie. Ni animosité, ni joie se dégageait du visage d'Emma, du moins pour le moment. « Une bière pour moi. » Emma ne démordait pas de son regard fixe sur Jamie. Il voulait mettre au passé leur histoire, très bien, mais pas avant qu'il est entendu ce qu'elle avait à lui dire. « Tu n'es qu'un lâche Reynolds. Un petit merdeux qui ne se préoccupe que de sa petite personne, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. J'ai honte, honte d'avoir passé tant d'années à croire en notre amitié, en nous. » De la rancœur pouvait s'entendre dans sa voix, bien qu'elle essayait de rester neutre face à ses sentiments.

Il aurait dû déménager. Partir à l’autre bout du monde. Mettre un océan ou deux entre lui et cette maudite ville. Pourquoi donc avait-il décidé d’y rester ? C’était la question qui le frappa alors que Emma s’approchait de lui. Tout aurait été plus simple s’il n’avait jamais eu à la revoir. La savoir en vie et en bonne santé lui suffisait, il aurait dû quitter Cleveland dès qu’elle y avait remis un pied. C’était sûrement terriblement égoïste, mais après tout, n’était-ce pas ce qu’il était ? Il avait beau se convaincre qu’il gardait ses distances pour la protéger, il savait bien au fond de lui que c’était également lui-même qu’il protégeait. Il s’en rendait compte à cet instant alors qu’elle prenait place au comptoir et l’assaillait de reproches. Elle avait raison, sur toute la ligne, mais il était bien trop fier pour le reconnaître et encore trop blessé pour la laisser percer sa carapace. « Alors qu’est-ce que tu fous ici Ems ? » Il accrocha violement son regard au sien, posant ses mains sur le rebord du bar pour se pencher vers elle. Inutile que tous les clients entendent leur conversation. « Si je suis le monstre d'égoïsme et de lâcheté que tu décris si bien. Si je ne suis qu’un salop, qu’un connard, pourquoi tu perds ton temps à venir me voir ? » Elle ne devait pas gâcher sa vie avec lui. Il n’en valait pas la peine. Et elle semblait déjà le savoir, alors pourquoi était-elle là ? Avait-elle besoin de le voir une dernière fois pour faire le deuil de leur relation ? Il baissa le regard en soupirant. Il l’aimait, mais il ne pouvait pas se permettre de lui faire plus de mal qu’il ne lui en avait déjà fait. Croiser de nouveau son regard, entendre sa voix, sentir son parfum, c’était comme si rien n’avait changé, comme s’il était soudainement projeté deux ans plus tôt. Il ne pouvait pas. Il était incapable de soutenir son regard plus longtemps et d’y lire toutes les souffrances qu’il lui avait infligé, c’était insupportable. Pour se redonner contenance il lui tourna le dos, le temps d'attraper un verre qu'il rempli de la bière préférée de Emma avant de la poser silencieusement devant elle. Il ne savait pas quoi lui dire. S’excuser n’était pas une option. Lui demander si elle allait bien serait ridicule, tous les deux savaient que ce n’était pas le cas. Il la connaissait par cœur, il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. « Tu avais autre chose à me dire ? » Demanda-t-il d’un ton neutre en croisant de nouveau son regard noisette alors que ses mâchoires se crispaient. Elle pouvait le blâmer toute la nuit, l’insulter, l’accabler de tous les maux de la Terre, il tiendrait le coup. Si c’était ce dont elle avait besoin pour tourner la page il le ferait, pour elle…

A mesure que les secondes s'écoulaient, Emma regrettait amèrement son choix. Finalement il n'en avait donc rien à faire d'elle. Il restait là, impassible, face à elle, lui reprochant sa venue. Son coeur meurtri battaient à tout rompre. Il avait raison, qu'est ce qu'elle foutait là. A quoi s'attendait-elle en venant le voir ? Qu'il la serre dans ses bras, et qu'ils fassent abstraction du passé. Qu'il lui dise ce qu'elle désirait tant entendre de sa bouche. Il fallait qu'elle soit réaliste, il n'avait pas changé. Toujours aussi égoïste et fier. Qu'espérait-elle après tout ? Qu'un miracle ce soit produit pendant son absence ? Il n'était qu'une cause perdue. Il lui avait clairement fait comprendre qu'il ne voulait pas de son aide, de son amitié. Seulement elle ne pouvait s'y résoudre. Elle ne pouvait se résoudre à l'abandonner, à l'éradiquer de sa vie. « Parce que moi j'ai un coeur Jamie. » Elle posa son regard dans le sien. Ne comprenait-il donc pas ? Elle était perdue sans lui. Ils avaient tant partagé ensemble, avant même que des sentiments viennent d'y mêler. Il était un pilier pour la jeune femme, et sans lui elle s’effondrait. « Je ne peux pas balayer des années de ma vie aussi facilement. » Malgré tout ce qu'il pouvait dire ou faire, il ne pouvait effacer ce qu'ils avaient partagé. Il pouvait lui dire que tout cela ne signifiait rien à ses yeux, elle savait que ce ne serait que des mensonges de plus. Car ce qu'ils avaient était réel. La mort d'Alice n'aurait pu être qu'un simple obstacle si il s'était laissé aidé, épaulé. Seulement il avait tourné tout autrement. Elle ne le reconnaissait plus. L'alcool, l'amertume, avaient fait de lui un autre homme. Jamie déposa son verre de bière sous son nez, où elle y perdit son regard dans l'épais nuage de mousse. En venant ici, elle pensait secrètement qu'elle le retrouverait, qu'au moins une chose dans sa vie reviendrait à la normale. Elle s'était trompée. Sa naïveté ne s'était pas envolée durant ces deux ans d'absence. Elle était toujours prête à croire en l'impossible. « J'avais peine à croire qu'après deux ans tu sois toujours le même. La triste réalité est là. » souffla t'elle en relevant son regard. Elle ne cherchait pas à le blesser, mais seulement à ce qu'il ouvre les yeux. Qu'il comprenne qu'elle voulait avant tout l'aider, qu'elle se foutait pas mal qu'il soit un salop, un connard, un égoïste, car elle savait que ce n'était qu'une carapace. Elle le connait le vrai Jamie Reynolds qui se cache derrière cette façade froide et arrogante. Mais peut-être qu'aujourd'hui ce rôle ne lui appartient plus, qu'elle n'est plus celle qui pourra lui faire enlever ce masque.